vendredi 13 avril 2018

[Flash Review] "Un autre Brooklyn" de Jacqueline Woodson

Sur un air de jazz

"Sylvia, Angela, Gigi, August. Quatre filles toujours ensemble, d'une beauté stupéfiante,
dans une solitude terrifiante."




Présentation de l'éditeur

«La première fois que j’ai vu Sylvia, Angela et Gigi, ce fut au cours de cet été-là. Elles marchaient dans notre rue, en short et débardeur, bras dessus bras dessous, têtes rejetées en arrière, secouées de rire. Je les ai suivies du regard jusqu’à ce qu’elles disparaissent, me demandant qui elles étaient, comment elles s’y étaient prises pour… devenir.» 
August, Sylvia, Angela et Gigi sont quatre adolescentes, quatre amies inséparables qui arpentent les rues du Brooklyn des années 1970, se rêvant un présent différent et un futur hors du commun. Mais un autre Brooklyn, où le danger rôde à chaque coin de rue, menace les espoirs et les promesses de ces jeunes filles aux dernières heures de l'enfance.


4 raisons de le lire :

La part belle à l'amitié
La lecture d'Un autre Brooklyn nous amène à nous poser la question : comment l'amitié nous fait-elle grandir ? Comment nous apprend-elle à vivre ? Sylvia, Angela, Gigi et la narratrice August sont inséparables. La force de leur amitié est telle qu'elle s'apparente même à de l'amour. Ensemble, elles vont affronter et connaître des moments douloureux. August devra aussi accepter, à l'aube de l'âge adulte, que cette amitié prenne fin. Rien ne sera plus pareil. Un drame viendra en effet les séparer. Jacqueline Woodson nous montre comment l'amitié nous construit.

De fascinantes histoires familiales new-yorkaises
Un autre Brooklyn, c'est également des histoires familiales. August a quitté enfant le Tennessee pour Bushwick avec son père et son frère. Son père, voulant à tout prix les protéger des dangers de Brooklyn, engagera une sœur de Nation of Islam, une organisation qui prône la suprématie noire. La mère de Gigi veut que sa fille passe à la télé, et celle d'Angela est héroïnomane. L'auteure raconte les vies des familles de ce quartier dans sa diversité : familles noires, latinos, originaires d'Irlande ou d'Italie. 

Le thème intéressant du refus de la mort
Longtemps ma mère n'a pas été morte. Ainsi débute le récit d'August, anthropologue, à l'enterrement de son père. La jeune femme étudie les différentes façons de réagir face à la mort d'un proche dans le monde. Elle-même a du mal à accepter la mort de sa mère. Sa mère elle-même refusait de croire à la mort de son frère, tombé au Vietnam. Ce refus de la mort a toujours affecté profondément la vie d'August. On sent que même adulte, elle n'en est toujours pas "guérie".

Un récit poétique et original
La style de Jacqueline Woodson est poétique, transcendant, haché et magnifique. Le récit est fragmenté par des souvenirs très courts d'August. La structure est séduisante et originale. Les souvenirs ne sont pas forcément racontés dans un ordre chronologique, mais nous ne sommes pas non plus perdus pour autant. 


Toutefois... 

Le style haché, le récit fragmenté qui suit la mémoire de la narratrice, peuvent ne pas plaire à tous les lecteurs. Cette structure m'a plutôt séduite, mais je me suis pas sentie très proche d'August. Je me suis sentie spectatrice de son récit, et non pas totalement immergée.

Un extrait 

"Si nous avions eu le jazz, aurions-nous survécu autrement ? Si nous avions su que notre histoire était un blues à refrain, aurions-nous relevé la tête, nous serions-nous répété à l'envi : "C'est un souvenir", jusqu'à ce que la vie ait un sens ? Où serions-nous maintenant si nous avions su qu'il y avait une mélodie au cœur de notre folie ? Quand même Sylvia, Angela, Gigi et moi nous sommes réunies à la manière d'une impro de jazz - figures de notes blanches s'accordant timidement les unes aux autres jusqu'à ce que l'ensemble trouve son harmonie et qu'on ait l'impression que la musique était composée depuis toujours -, nous n'avions pas le jazz pour nous expliquer qui nous étions. Nous avions la musique du top 40 des années 70 qui s'essayait à raconter notre histoire. Elle ne nous a jamais vraiment perçues." (pages 11-12)


Dans l'ensemble, Un autre Brooklyn est un bon roman, fort, beau et intéressant sur les thèmes de l'amitié et de l'acceptation du deuil. Il est original par sa structure fragmentée, par son style poétique. Cependant, ce récit fragmenté m'a tenue à distance du personnage d'August, aussi fascinant soit-il. Mais c'est certain, Jacqueline Woodson, surtout reconnue aux Etats-Unis pour ses romans jeunesse, retient toute mon attention et je suivrai assurément la parution de son prochain roman publié en France. Dernière chose intéressante : Un autre Brooklyn est un hommage à l'écrivain américain James Baldwin, et Jacqueline Woodson a adopté le même rythme que dans son roman Un autre pays. Et surtout, Un autre Brooklyn a été finaliste du National Book Award en 2016.



Un autre Brooklyn (Another Brooklyn), Jacqueline Woodson, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Sylvie Schneiter, Stock, collection "la Cosmopolite", janvier 2018, 180 pages, 18€, format Kindle : 12,99 €.

Bonus : Vidéo de Politics and Prose (en anglais)




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A bientôt ^^





1 commentaire:

  1. Je ne sais pas si j'adorerais au style et au rythme du récit, mais en tout cas ta chronique me donne très envie de tenter l'aventure.

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