mercredi 27 septembre 2017

"Une Histoire des abeilles" de Maja Lunde

Abeilles en danger


"Une mouche passa près de moi en bourdonnant, un spectacle exceptionnel. Les oiseaux aussi se faisaient rares, souffrant de la pénurie d'insectes, mourant de faim, comme tout le monde."



Présentation de l'éditeur

Un triptyque écologiste qui raconte l'amour filial à travers le destin des abeilles.
Angleterre, 1851. Père dépassé et époux frustré, William a remisé ses rêves de carrière scientifique. Cependant, la découverte de l'apiculture réveille son orgueil déchu : pour impressionner son fils, il se jure de concevoir une ruche révolutionnaire.
Ohio, 2007. George, apiculteur bourru, ne se remet pas de la nouvelle : son unique fils, converti au végétarisme, rêve de devenir écrivain. Qui va donc reprendre les rênes d'une exploitation menacée par l'inquiétante disparition des abeilles ?
Chine, 2098. Les insectes ont disparu. Comme tous ses compatriotes, Tao passe ses journées à polliniser la nature à la main. Pour son petit garçon, elle rêve d'un avenir meilleur. Mais, lorsque ce dernier est victime d'un accident, Tao doit se plonger dans les origines du plus grand désastre de l'humanité.


Mon Avis

Pour son premier roman pour adultes, Maja Lunde, scénariste et auteure pour la jeunesse, rencontre un vif succès international. Quelle excellente nouvelle ! Ce roman atypique est absolument précieux et s'adresse à nous tous. Pourquoi ? Parce qu'il aborde avec justesse la disparition progressive des abeilles et ses conséquences dangereuses sur la pollinisation. Sans la pollinisation, presque aucune culture (fruits, légumes notamment) ne serait possible. Maja Lunde nous transmet ici un message écologique en nous alertant sur les dangers de la disparition des abeilles. 

"Les abeilles avaient disparu dès les années 1980, bien avant l'Effondrement, tuées par les insecticides. (...) Notre pays avait été le plus touché par les dégradations environnementales : pionniers en matière de pollution, nous étions devenus pionniers en matière de pollinisation manuelle. Ce paradoxe nous sauva."


La structure du roman ne manque pas d'originalité. Ici, nous suivons trois narrateurs, de continents et d'époques différents. En 2098, Tao est une jeune femme chinoise qui, avec d'autres ouvrières, pollinise manuellement les plantes, suite à la disparition des abeilles. En 1851, William est un scientifique anglais, cloué dans son lit, dépourvu de la moindre motivation. Son fils Edward et sa fille Charlotte l'aideront à leur manière : il se relèvera et fabriquera une ruche révolutionnaire. Enfin, en 2007, George est un apiculteur américain qui aperçoit chez ses abeilles les prémisses de la catastrophe. Trois angles différents de trois personnages fascinants, tous liés par un thème commun, les abeilles.

Cependant, le roman va encore plus loin que le message écologique qu'il nous communique. Il est également question de relations entre les générations d'une même famille. William tente de montrer l'exemple à son fils Edward dont l'attitude est étrange et instable. Sa fille Charlotte, intelligente et brillante, aura même un rôle déterminant dans l'histoire de William. Tant à George, il désespère de voir son fils Tom végétarien et sa vocation d'écrivain le plonge dans une incompréhension totale. Lui qui rêve de voir son fils reprendre le flambeau, comment ne pas s'inquiéter lorsqu'il s'aperçoit de la disparition progressive de ses abeilles ? Enfin, Tao ne souhaite pas que son fils Wei-Wen vive les mêmes conditions que les enfants d'aujourd'hui : 

"Ils apprenaient les chiffres et quelques caractères, mais l'école était surtout une sorte d'entrepôt bien organisé où les enfants étaient parqués et préparés à la vie aux champs."

"Ils n'avaient pas d'enfance, contrairement à nous qui étions allés à l'école jusqu'à quinze ans. Leur vie n'en était pas une."

Ces rapports générationnels, la solidarité, l'amour de la famille sont aussi des thèmes centraux de ce roman intelligent, singulier et habilement structuré.

Petit détail, petit clin d'œil, mais touche charmante : la couleur jaune présente au début de chaque portrait. Comme un rappel au pollen, à l'abeille, à la chaleur, à la vie. Pour William, "tout était jaune autour de moi, d'un jaune infini. En haut, en bas, à droite, à gauche, où que mon regard se posât, cette couleur m'aveuglait. Le jaune était là." Pour George, "Emma nous servit du pain de viande et du maïs en portions généreuses dans des assiettes vertes qui faisaient ressortir le jaune du maïs". Enfin, pour Tao, "le petit récipient en plastique était rempli d'or vaporeux minutieusement pesé et distribué également à chacune d'entre nous tous les matins". 

En bref, Une Histoire des abeilles porte un message écologique précieux, nous informe, nous touche profondément avec ses histoires familiales, réalistes et cohérentes. Le monde futuriste de Tao, tellement glaçant, fait froid dans le dos et nous amène à réfléchir sur nos comportements quotidiens. Le roman de Maja Lunde brille par son intelligence, sa singularité, son message d'espoir et ses personnages attachants. Une belle réussite.




Un grand merci aux Presses de la Cité et à NetGalley !

Une Histoire des abeilles (Bienes Historie), Maja Lunde, traduit du norvégien par Loup-Maëlle Besançon, Presses de la Cité, sortie le 17 août 2017, 396 p., 22,50 €, format Kindle : 15,99 €.



A bientôt pour une prochaine chronique ^^













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