mardi 29 août 2017

"Une Histoire des loups" d'Emily Fridlund

Une jeune louve dans le monde des hommes,
prédateurs et fanatiques

"— Les loups n'ont absolument rien à voir avec les hommes, en fait. S'ils le peuvent, ils les évitent."




Présentation de l'éditeur :

Madeline, adolescente un peu sauvage, observe à travers ses jumelles cette famille qui emménage sur la rive opposée du lac. Un couple et un jeune enfant dont la vie aisée semble si différente de la sienne. Bientôt, alors que le père travaille au loin, la jeune mère propose à Madeline de s’occuper du garçon, de passer avec lui ses après-midi, puis de partager leurs repas. L’adolescente entre petit à petit dans ce foyer qui la fascine, ne saisissant qu’à moitié ce qui se cache derrière la fragile gaieté de cette mère et la sourde autorité du père. Jusqu’à ce que, malheureusement, il soit trop tard.

Mon Avis

Lorsque son professeur d'histoire, M. Grierson, demande à Madeline le choix du sujet qu'elle a choisi pour le tournoi de l'Odyssée de l'Histoire, celle-ci lui répond : "— Je veux parler des loups. — Quoi, une histoire des loups ?"
Il faut dire que les loups, la nature en général, fascinent cette adolescente solitaire de 14 ans. Madeline, une jeune fille vraiment pas comme les autres. Quelque part dans le Minnesota, elle habite au bord d'un lac avec ses parents issus d'une ancienne communauté hippie. Elle est souvent seule, livrée à elle-même, extrêmement débrouillarde, adore la survie, la forêt et ses chiens. Au lycée, elle apprend que son ancien professeur d'histoire, M. Grierson, est accusé d'agression sexuelle. Des rumeurs circulent. Lily, cette camarade de classe qui l'obsède, serait à l'origine de cette accusation.
Puis, un événement vient bouleverser sa vie : l'arrivée d'une famille sur la rive opposée du lac. Elle fait la connaissance de Patra, la jeune mère de famille, et s'attache beaucoup à Paul, son fils de quatre ans. Le père, professeur d'université, est absent. Pour aider Patra, elle devient la baby-sitter de Paul, qui l'accompagne dans ses escapades en forêt. Bientôt, Madeline ne peut plus se passer de cette famille qui lui semble si normale... Mais l'apparition d'un personnage risque de changer sa vision des choses.

"Plus tard, je me réveillai et trouvai Patra enroulée autour de Paul. Dos à moi. Mais en s'approchant un peu, je pouvais sentir sa colonne incurvée à travers son anorak, toutes les petites vertèbres reliées les unes aux autres, tous les os révélés comme un secret. La nuit était tombée pour de bon, enfin. Au loin, le tonnerre grondait. Le vent avait fait naître des vagues, suffisamment fortes maintenant pour qu'on les entende s'écraser sur la grève, charriant les galets, en avant, en arrière. J'entendais les aiguilles des pins fouetter le toit de la maison. J'entendais Paul et Patra, leurs respirations syncopées.
 Heureuse. J'étais heureuse."

Avec ce premier roman d'Emily Fridlund, on est pris à la gorge dès les premières pages. Nous pressentons qu'un drame terrible va surgir d'un moment à l'autre. L'auteure a créé ici une atmosphère assez sombre, une ambiance dérangeante et le malaise s'installe durablement à la manière d'un roman de David Vann (cf. ma chronique sur Sukkwan Island). Pas d'énorme retournement de situation ici mais certains passages ne peuvent que susciter chez le lecteur un certain malaise. Emily Fridlund dénonce les travers de la nature humaine ainsi que les ravages de la religion, tout en plaçant la nature sur un piédestal. L'auteure est elle-même férue de nature, des forêts du Minnesota, là où elle a grandi.

"Les huit hectares de terrain sur la rive est de Still Lake. Voilà ce que je connaissais. Voilà tout ce que j'avais jamais prétendu connaître. Je connaissais les pins rouges et blancs au sommet de la colline, les bouleaux et les peupliers faux-trembles le long du rivage. Je connaissais le chèvrefeuille et les tamias, les vues du lac au coucher du soleil (...)."

A l'instar du style de David Vann, celui de la jeune professeure d'université ne touchera pas tous les lecteurs. C'est un style particulier, à la fois naïf, onirique et poétique. On suit Madeline dans ses réflexions parfois un peu farfelues, et même si j'ai beaucoup apprécié sa personnalité complexe, elle ne fera pas que des adeptes. De même, on apprend rapidement que Madeline, narratrice, est adulte lorsqu'elle relate son histoire. Nous avons donc régulièrement des allers-retours dans les années futures de Madeline, mais aussi dans son passé lorsqu'elle était enfant. Même si cette structure et ce style peuvent incommoder plus d'un, ils ont le mérite d'être originaux et extrêmement bien construits.


En bref, Une Histoire des loups est un premier roman magistral, doté d'un personnage principal très original et attachant à sa façon. Il y règne une tension, un malaise permanent à la David Vann, qui nous serre la gorge. Une Histoire des loups est un roman qui nous interpelle, qui nous interroge sur la nature humaine et les dérives de la société américaine. Même si le style et les allers-retours entre présent, passé et futur ne satisferont pas tous les lecteurs, ce roman a tous les traits d'un futur classique de la littérature américaine. Soyez-en sûrs, Emily Fridlund n'a pas fini de faire parler d'elle.





Une Histoire des loups (History Of Wolves), Emily Fridlund, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Juliane Nivelt, Gallmeister, collection Nature Writing, sortie le 17 août 2017, 296 p., 22,40 €. 


N'hésitez pas à rejoindre le groupe sur Facebook !



Pour tout savoir sur cet événement créé par Piko Books, c'est ici !




A bientôt pour une prochaine chronique ^^








1 commentaire: