mercredi 14 décembre 2016

La Tentation d'être heureux

"Je m'appelle Cesare Annunziata, j'ai soixante-dix-sept ans, et pendant soixante-douze ans et cent onze jours,
j'ai jeté ma vie à la poubelle."


Auteur : Lorenzo Marone
Titre VO : La Tentazione di essere felici
Traduction : Renaud Temperini
Edition : Belfond
Genre : Contemporain
Date de parution : 1er septembre 2016
Nombre de pages : 336
Prix : 20 €
Prix Kindle : 9,99 €

Rentrée littéraire 2016


4e de couverture

À Naples, de nos jours. Cesare Annunziata a 77 ans, et sa vie n'est pas ce qu'il aurait voulu qu'elle soit. Il n'a jamais vraiment réussi à aimer sa femme, les relations avec sa fille, Sveva, sont très compliquées, et son fils, Dante, n'ose pas lui présenter son compagnon. Alors, tant pis, il décide de profiter un tant soit peu de l'existence en buvant, mangeant et fumant comme il lui plaît. Peu importe les reproches de Sveva. Il continue même à voir cette chère Rossana, officiellement infirmière, mais qui, en réalité, vend ce qui lui reste de charmes.
Un soir, le silence de son appartement est brisé par une très violente scène de ménage. Et Cesare ne tarde pas à comprendre que sa voisine, la belle Emma, se fait battre par son mari. La nouvelle fait vite le tour de l'immeuble. Aidé de ses deux compères du troisième âge, Madame Vitaglino, collectionneuse de chats, et, Marino, solitaire endurci, Cesare décide de secourir la jeune femme. Après avoir échafaudé les plans les plus rocambolesques, c'est finalement en se liant d'amitié avec Emma qu'il va tenter de la sortir des griffes de son époux.
Un petit dîner en tête à tête, de délicates attentions, un sourire réconfortant... Chamboulé par la douceur de la jeune femme, le vieillard s'apaise peu à peu : à 77 ans, finalement, n'est-il pas temps de se délecter des belles choses de la vie et de faire, enfin, la paix avec ceux qu'on aime ?


Mon Avis

Parmi les romans noirs ou les thrillers qui constituent ma PAL, j'avais envie de trouver un bon roman feel good, capable de me redonner un peu le sourire, et quelque part, de me "rebooster", d'aller de l'avant. C'est la raison pour laquelle j'ai sollicité ce titre via NetGalley. Je remercie éditions Belfond pour cette lecture agréable mais surprenante. Surprenante, car cette histoire n'est pas aussi joyeuse et légère qu'on le pense.

Cesare Annunziata, 77 ans, veuf, vit seul dans son appartement à Naples. D'un tempérament plutôt grincheux, il a des soucis relationnels avec sa fille Sveva, avocate, et regrette que son fils Dante ne lui avoue pas qu'il est homosexuel. Pour prendre du bon temps, Cesare fréquente régulièrement Rossana, une prostituée de 60 ans. Sa vie est bouleversée lorsqu'il s'aperçoit qu'Emma, sa voisine, est battue par son mari, particulièrement violent et dangereux. Une tendre et solide complicité s'installe entre lui et Emma. Il décide, avec sa voisine Eleonora, qui collectionne les chats, et Marino, son vieil ami toujours cloîtré chez lui, de venir en aide à la jeune femme. Cesare a un déclic et se met à penser à ses erreurs passées et à ses enfants, qu'il pense malheureux à cause de lui. Réussira-t-il à faire la paix avec eux et avec lui-même ?

Cesare est tout d'abord un personnage original, qui a parfois des airs cyniques et bourrus. Il refuse de rester cloîtré chez lui, fréquente régulièrement une prostituée, a beaucoup d'humour, ment ponctuellement pour se tirer d'affaire. Cependant, il est souvent confronté à la solitude et à ses remords. En effet, Cesare a trompé de multiples fois sa femme, et il a l'impression d'avoir laissé de côté ses deux enfants, Sveva et Dante. Il pense qu'il est détesté par ses enfants. D'ailleurs, il a beaucoup de difficultés à s'entendre avec sa fille.

"(...) j'ai fait beaucoup de bêtises, par exemple épouser Caterina et avoir deux enfants d'elle. Je ne dis pas ça pour Dante et Sveva, Dieu m'en préserve ; reste qu'on ne devrait jamais mettre des enfants au monde avec une femme qu'on n'aime pas." (empl.153)

Cependant, sous ses airs cyniques, Cesare cache une vraie générosité. Même si cela l'agace, il rend service à sa vieille voisine, Eleonora, qui collectionne les chats ; il garde son petit-fils avec plaisir lorsqu'il en a l'occasion. Son appartement deviendra même comme un refuge pour Emma, la jeune femme victime des coups de son mari. Une belle complicité va naître entre lui et la jeune femme :

"Pourtant, je ne suis pas de ceux à qui les gens aiment se confier. Sveva, par exemple, ne l'a jamais fait, et Dante me dissimule ses préférences sexuelles. Cette inconnue m'en a plus avoué en dix minutes que mes enfants en toute une vie." (empl.977)

Ses amis Eleonora et Marino vont également aider la jeune femme. Les trois comparses en action se révèlent à chaque fois très drôles. Par exemple, lorsqu'ils doivent utiliser un ordinateur, et qu'aucun des trois ne sait comment ça marche. Autre exemple de l'humour de Cesare, la façon dont il présente Marino :

"Marino est âgé de plus de quatre-vingts ans, il a mauvaise haleine, il est incapable d'articuler une syllabe sans son dentier et il lui arrive de se faire pipi dessus. Bref, un vrai désastre." (empl.557)

Et qui dit vieillesse, dit solitude et regrets. Malgré sa vie trépidante, il ne peut pas échapper à la solitude. Les regrets qu'il exprime envers sa défunte femme, qu'il pensait ne pas aimer, sont empreints d'émotion :

"A cette différence près qu'elle ne pleurait pas à cause de moi, mais de son corps malade. Pourtant, même à l'époque, je n'avais pas réussi à intervenir autrement que sous forme de gestes affectés, inutiles. Parfois, la nuit, je me réveille en sursaut et j'ai l'impression qu'elle est encore à côté de moi ; je murmure alors au mur froid ce que j'aurais dû lui dire à elle : "Tu n'es pas seule, je suis là" " (empl.307)

Ensuite, il y a une réflexion très intéressante sur nos rêves que nous ne réaliserons jamais. Cesare voulait être libraire à la sortie de ses études. Mais à force de se dire qu'il réalisera ce rêve plus tard, il est passé complètement à côté puisqu'il est devenu expert-comptable, un métier qu'il a exercé quarante ans et qu'il a toujours détesté.

"Si j'avais eu un emploi captivant, je n'aurais pas commis plusieurs des sottises qui me servaient à essayer de donner un sens à mon existence." (empl.1278)
"On passe son existence à croire qu'un jour tous nos espoirs se réaliseront, sauf à s'apercevoir ensuite que la vie est bien moins romantique qu'on ne le pense. Quelques fois, c'est vrai, les rêves frappent à notre porte, mais seulement si vous avez pris la peine de les inviter. Sinon, vous pouvez être sûr de passer votre soirée tout seul." (empl.2040)

Bref, tous les thèmes sont réunis pour faire de ce livre un bon roman feel good : la famille, l'amitié, la solidarité, le bonheur, la vieillesse, les regrets, les rêves déchus. Cependant, l'auteur nous réserve un dénouement pour le moins inattendu puisque la tension dramatique monte considérablement lorsque Cesare découvre Emma dans un état épouvantable après que son mari a quitté l'appartement. D'un coup, le ton léger et l'ambiance bon enfant s'effacent et on bascule dans un tout autre genre. Quelle en sera l'issue ? Je ne vais pas vous gâcher votre lecture, mais l'auteur a réussi à me surprendre.

Quant au style, il est agréable à lire malgré quelques longueurs. Comme Cesare raconte son récit à la première personne, ceci explique certainement qu'il y ait quelques digressions. Néanmoins, j'ai passé un très bon moment de lecture.

En conclusion, La Tentation d'être heureux est un roman surprenant et original. Suivre le cheminement de pensée d'un vieil homme n'est pas si fréquent que cela, en tout cas pour ma part ^^. Ce roman donne à réfléchir sur la vieillesse, la solitude, les remords, le temps perdu, les rêves déchus, mais aussi sur le bonheur, la famille, la solidarité. Cependant, ne vous fiez pas à son côté feel good et à son ton léger : une tension dramatique apparaît soudainement, nous laissant pantois devant cet événement que l'on attendait pas. Puis, la fin est ouverte, ce qui ne présage pas forcément un dénouement heureux. Néanmoins, ce roman est une très bonne leçon de vie malgré tout. Il nous permet de nous poser les bonnes questions, et à la fois de ne pas trop nous en poser, et de foncer.

Ma note : 16/20

A bientôt pour une prochaine chronique ^^








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